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sammael world
28 janvier 2014

Faire comme "tout le monde".

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Nous sommes nés au plein cœur du $ystème, comme la plupart des gens en France (ou ailleurs en occident) 
On a eu des tas de jouets en plastiques faits par les petites mains, "Made in China" comme on dit, on voulait les mêmes fringues de marque que nos camarades de classes, on a été nourris de légumes pesticidés, de viande industrielles aux anti-bio et de biscuits à l'huile de palme. Du fluor pour la protection de nos dents... On savait que c'était bon pour nous. On nous a donné le goût de l'artificiel, du pré-emballé, du pré-mâché, de la désinformation. L'important c'était que l'on fasse toujours bien comme on nous disait de faire. Adopter la perspective dominante. Pour notre bien toujours. Et quand on avait été sage on avait alors droit à plus d'aspartame, de colorants artificiels, gluten, conservateurs, et d'autres choses encore qui nous faisaient très plaisir. Tartinés de crème aluminium hydratante, methylparaben pour aller au soleil. "Normale" la vie. 

Suiveurs toujours - qu'il pleuve ou qu'il vente. On aimait aller faire les courses, chercher ce dont on avait besoin dans les rayons. On nous faisait du poisson bien pané, des frites bien graissées et pour le plaisir on nous emmenait chez Macdo! La vie en occident c'est une fête sans fin. On nous faisait passer des Noël "magiques", des galeries bondées et des rues déguisées en lieux joyeux et féeriques scintillants de toutes leurs lumières artificielles. On fonçait tête baissée dans le monde de l'hyper-consumérisme, un monde glauque, accroc au clinquant de sa culture matérialiste, mais qui ne sera jamais prêt à payer l'addition de ces conséquences directes et ravageuses. On s'en foutait un peu, on comprenait rien à ses problèmes "écologiques" ou d'esclavagisme présents dans le monde entier... La vie est si courte, il faut profiter. On vivait pour les jeux vidéos. On achetait des gadgets, des babioles, tous ses machins conçus pour casser, étudiés pour devoir être remplacés rapidos. Acheter, consommer, amasser, acquérir, posséder, assurer, jeter, racheter, jeter... C'est notre culture à nous. On s'est perdu dedans, on s'est jetés avec. On est nés dans l'abondance, l'excès, l'opulence, l'insouciance, l'indifférence. Normal. 
On ne nous a jamais appris ce qui nous était élémentaire, des valeurs sociales durables, ni ce qu'était l'éthique, l'intégrité, ni ce qu'était la vie sur Terre, et comment on devient autre chose qu'un esclave du système d'exploitation capitaliste. Ça nous barbe d'apprendre, on se moque de tout ce qui ressemble à un intellect développé. On sait pas comment produire notre nourriture, s'intéresser à la différence, remettre des choses en question, ou découvrir des alternatives. On nous déposait à l'école, pour nous inculquer des matières pour lesquelles il fallait avoir nos "bons points". Obéissants on suivait le troupeau pour avancer, s'éduquer.. on pensait s'amuser, recevoir de bonnes leçons, on singeait toutes les tendances et copiait le seul vocabulaire d'expressions qui dominait notre environnement. On était tous pareil, pas cons juste idiots utiles, façonnés par un unique même moule. Cool. On pensait jamais à sortir la tête au dehors de la petite boîte. Pour quoi faire? On était pas contrariants, divertis dans tous les sens, influencés par les mêmes références, tous les mêmes produits, on connaissait tout ce qu'il y avait à connaître, on se comprenait. On rentrait chez nous, on mettait la télé, pour s'enfiler des programmes et manger des publicités. On voyait nos parents fatigués le soir, l'air jamais heureux, se crier dessus, souvent au sujet de crédit et de dettes. On a adopté leur caste, leurs valeurs, leurs références, leurs idées. Faire un crédit sur 35 ans, faire construire une maison, acheter des meubles, remplir la maison, être sûr d'être à "l'abris" et travailler pour rembourser tous ces objets et toutes ces assurances... On nous a pressé d'avoir notre "BAC", pour faire de soi un salarié, un "employé", trouver le "CDI", croiser les doigts, faire de l'argent, trouver un "bon" boulot pour avoir "une bonne situation"... 

Faire comme "tout le monde". 

On n'a jamais vraiment compris notre malheur. On ne savait même pas remarquer les barreaux de la prison. On continuera alors de chercher bonheur dans le même triste décors de société en décomposition, endoctrinés, pour marcher au pas, dans un marché de "l'emploi" qui est sans le moindre avenir, mais on n'en parle pas donc ça on ne l'entend pas. Normal. Le confort, la richesse, le bonheur, on cherche... on est en quête... encore et encore. Plus la voiture est belle, plus la maison est grande, plus il y a de fric, plus l'image est reluisante. Plus on a de beaux cheveux de Stars, bronzés, recouverts des crèmes de la cosmétique, au mieux on aura « réussi » aux yeux des autres. Ça nous convient. Ça ne peut que nous convenir. Entretenir les mêmes aspirations, même aveuglement en suivant ce même schéma qui fait de la planète un dépotoir insensé: On ne connaît réellement que ça. 

On contribue tranquillement à ce cycle vain, et ce maintien en place du status-quo d'un ordre socio-économique monétaire fasciste inacceptable. Mais finalement bien normal pour "la norme".

Changer? évoluer....mais vers quoi? Encore faudrait-il le savoir...
REVOLUTION? BOF. TROP TARD. CHANGEONS RIEN.

 

pas de moi j'ai pas retrouver l'auteur....mais ca résume la pensée de beaucoups.....

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15 janvier 2014

le théâtre no.......

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HISTOIRE DU THEATRE NÔ : 
Le théâtre Nô est l'héritier des formes les plus anciennes du théâtre Japonais. Il trouve son origine dans les fêtes religieuses célébrées dans les campagnes, afin d'égayer les divinités, et ce faisant, s'assurer de leur bienveillance pour les récoltes. Ces danses avec costumes et masques sont connues sous le nom de Kagura.

Avec l'arrivée du Bouddhisme et de ses nouvelles cérémonies, vers 650, les Kagura, d'obédience Shintôcommencèrent à perdre de leur prestige. Les spectacles évoluèrent alors vers une forme plus profane, mais toujours très festive. Cette nouvelle forme de représentation s'appela alors le Gagaku ou Bugaku. Au IXéme siècle, une nouvelle évolution nommée Sangaku, puis Sarugaku ( "Jeux de Singes" ) ajouta au répertoire des acrobaties et des tours de magie ou de textes comiques.

C'est à l'époque Muromachi, sous l'autorité des Shoguns Ashikaga que deux acteurs, père et fils, établirent les règles de ce qui allait devenir le Nô. Kanami et Zeami gardèrent les grandes lignes du Sangaku, mais en changèrent totalement la forme. Inspirés par la religion Zen, en pleine essor, ils écrivirent de nouveaux textes et imposèrent des règles strictes pour les kimonos, les masques, la musique, la scène... En l'espace d'une vingtaine d'année, ils avaient transfiguré l'ancien Sarugaku populaire, en un art raffiné destiné à l'élite militaire et politique du Japon.


 

LA SCENE DU THEATRE NÔ : 
La scène du Théâtre Nô n'est apparue que plusieurs siècles après la mort de Zeami. Joué le plus souvent en plein air, comme l'aimaient les guerriers Japonais, le spectacle de Nô n'était séparé du public que par une simple estrade de bois légèrement surélevée. A partir du XVII éme siècle on prit l'habitude d'assister aux représentations dans un bâtiment en bois dont la scène devait refléter l'esprit de cette forme théâtrale si raffinée.

La scène du théâtre Nô ( Butai ) s'étend sur environ 6 mètres de côté, et est surplombée d'un toit traditionnel Shintô, soutenu par 5 piliers de bois. Un couloir ouvert de bois laqué ( Hashi-Gakari ) relie la scène aux coulisses ( Kagami No Ma ). Un rideau ( Agemaku ), tendu sur une partie de ce couloir, permet l'apparition feutrée des acteurs sur scène. La décoration du fond est souvent une représentation simple et traditionnelle d'un pin Japonais ( Matsu ).

Au fond de la scène se trouvent les quatre musiciens ( Hayashi ) : la flûte ( Fue ), deux tambours moyens ( Ô Tsuzumi et Ko Tsuzumi ) et un grand tambour ( Taiko ). Le Choeur des récitants ( Jiutai ) se place, quant à lui, à droite de la scène. Enfin un petit escalier de trois marches en bois permet d'accéder à la salle, après avoir franchi un espace rempli de pierre qui crée une barrière symbolique entre le monde imaginaire des acteurs et celui réel des spectateurs.


 

LES PERSONNAGES DU THEATRE NÔ : 
Conformément à la tradition du théâtre Nô, codifiée au XV éme siècle, les personnages du théâtre Nô sont répartis en deux grandes catégories. L'acteur principal ( Shite ) fait progresser l'intrigue par ses danses ou ses lentes melopées. Alors que le spectateur peut voir son visage lors de la première partie de la pièce ( Mae ), dans la deuxième partie (Nochi ), le Shite porte un masque pour effectuer la grande danse lente ( Kuse ). Vêtu de superbes kimonos, l'acteur principal est donc le véritable coeur de la représentation.

Important pour dialoguer avec le Shite, le deuxième rôle ( Waki ) permet aux spectateurs de comprendre à la fois le lieu et le rôle de chaque personnage, mais également l'intrigue principale de la pièce. Le Waki est le premier à rentrer sur scène, introduisant l'ensemble de la représentation. Puis, lorsque le personnage principal rentre en scène, il s'efface durant la première partie de la pièce ( Mae ) ou dialogue avec lui dans la deuxième partie ( Nochi ). Le Waki ne porte pas de masque.

Les autres personnages sont moins importants pour la représentation. Le Tsure ( assistant ) accompagne le Shite dans certaines occasions, et l'assiste pour les danses. Il porte également un masque. On peut aussi noter la présence de quelques figurants présents sur la scène, mais uniquement pour de brefs instants. Dernière précision importante : quelque soit le personnage interprété, les acteurs du théâtre Nô sont tous des hommes.


 

LES MASQUES DU THEATRE NÔ : 
Les masques ont toujours joué un rôle prédominant dans la culture Japonaise. Employés depuis l'époque Jômon, ils se sont répandus dans l'ensemble des fêtes populaires Shintô à l'époque Kamakura. C'est probablement dans ces traditions qu'il faut trouver les origines des masques du Théâtre Noh de l'époque Muromachi.

Haut de 20 cm environ, les masques de Nô sont sculptés dans un bois de cyprès, puis enduit d'une couche de peinture blanche sur laquelle sera appliquée la couleur jaune caractéristique de ces masques. De l'encre noire est utilisée ensuite pour les sourcils et les cheveux. L'ensemble est ensuite recouvert d'une couche de laque très finement appliquée. Les yeux sont d'étroites ouvertures, rendant difficile la vision de l'acteur.

Il existe quatre familles de masque : hommes âgés (Jô), femmes (Onna), hommes (Otoko) et démons (Oni). Chacune de ces catégories comprend elle-même 4 ou 5 variantes différents permettant de représenter la quasi-totalité du répertoire du Nô. Il est à noter que traditionnellement, seul le personnage principal de la représentation (Shite) porte un masque.

 

 

Le théâtre nô ou nô () est un des styles traditionnels du théâtre japonais venant d'une conception religieuse et aristocratique de la vie. Le nô allie des chroniques en vers à des pantomimes dansées. Arborant des costumes somptueux et des masques spécifiques (il y a 138 masques différents), les acteurs jouent essentiellement pour les shoguns et lessamouraïs. Le théâtre nô est composé de drames lyriques des xive et xve siècles, au jeu dépouillé et codifié. Ces acteurs sont accompagnés par un petit orchestre et un chœur. Leur gestuelle est stylisée autant que la parole qui semble chantée. La gestuelle est entrecoupée par les fameux miiye qu'ont représentés les graveurs d'acteurs japonais. Ce sont des arrêts prolongés dans le temps du geste et de la mimique afin d'en accroître l'intensité.

Constitué fin xiiie siècle au Japon, le nô est une forme théâtrale unissant deux traditions : les pantomimes dansées et les chroniques versifiées récitées par des bonzes errants. Le drame, dont le protagoniste est couvert d'un masque, était joué les jours de fête dans les sanctuaires. Ses acteurs, protégés par les daimyos et les shoguns, se transmettent depuis lors de père en fils les secrets de leur art. Le nô a évolué de diverses manières dans l'art populaire et aristocratique. Il formera aussi la base d'autres formes dramatiques comme le kabuki. Après que Zeami a fixé les règles du nô, le répertoire s'est figé vers la fin du xvie siècle et nous demeure encore intact. Le nô est unique dans son charme subtil (yūgen) et son utilisation de masques distinctifs. Lorsqu'ils mettent le masque, les acteurs quittent symboliquement leur personnalité propre pour interpréter les personnages qu'ils vont incarner. Au lieu de narrer une intrigue compliquée, le théâtre nô, hautement stylisé et simplifié, développe donc une simple émotion ou une atmosphère. Fonctionnant sur le même mode que les autocaricatures, la théâtralité permet de passer à une autre interprétation de soi.

Le nô fut une des premières formes d'art dramatique à être inscrite en 2008 (originellement proclamé en 2001) sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO, étant un des types de théâtre du nōgaku, conjointement au kyōgen.

 

Définition et sens du mot no

Le nô peut être défini comme un « drame lyrique » à condition d'entendre le mot « drame » dans son acception première de « action », le lyrisme du nô étant principalement poétique et ne demandant à la musique qu'un rythme et des timbres pour le soutenir.

Le mot « nô » vient d'un verbe signifiant « pouvoir, être puissant, capable de » ; d'où, employé comme nom, le sens de « pouvoir, faculté, talent ».

Le terme nô a, très tôt, été employé pour désigner le « talent » des artistes, danseurs ou exécutants, ce dont ils étaient capables. Par glissement de sens (talent > ce qu'on exécute avec talent > pièce exécutée), on en est très vite arrivé à désigner la pièce elle-même. C'est ce dernier sens de « pièce » que Zeami Motokiyo donne au mot « nô » dans le Nôsakusho consacré à la façon de composer les nô.

Histoire

Sarugaku et Dengaku

Jusqu'au xviie siècle, le nô est connu sous le nom de sarugaku no nō, ou simplement sarugaku. Ce dernier terme provient lui-même de sangaku, qui désigne tout un ensemble d'arts du spectacle, incluant les acrobaties, la jonglerie, la prestidigitation et la pantomime, importés de Chine. Progressivement, la pantomime comique devint l'attraction principale, entraînant le changement de nom (sarugaku pouvant se lire spectacle du singe).

À la cour, l'art privilégié était le gagaku (musique) et le bugaku (danse accompagnant le gagaku). Cet art se voulait harmonieux, élégant, raffiné, et était destiné à un public principalement aristocratique.

À la même époque, les traditions et rites paysans avaient donné naissance à un ensemble de danses et de rites destinés à assurer de bonnes récoltes et à apaiser les mauvais esprits appelés dengaku. Pratiqués en relation avec les pratiques divinatoires du bouddhisme ésotérique, ces rituels avaient l'appui des grands seigneurs et des grands temples bouddhistes. Ces appuis amenèrent les danseurs gagaku à mettre l'accent sur la dimension dramatique de leur art. Le kagura est souvent mentionné comme une des sources essentielles du nô.

Kan'ami et Zeami

En 1374Yoshimitsu Ashikaga, le futur shogun, assiste à un spectacle sarugaku donné par un acteur expérimenté (41 ans) : Kiyotsugu Kan'ami (1333 − 1384). Très impressionné par son jeu de scène, Yoshimitsu Ashikaga l'invite (lui et sa troupe, ainsi que son fils Motokiyo Zeami, alors âgé de 11 ans) à s'installer à sa cour. L'appui conféré par cette puissante relation permit à Kan'ami de développer une synthèse de pantomime sarugaku et des danses et chants du gagaku dans la direction d'un art élégant et raffiné, adapté aux goûts d'un public aristocratique.

La paternité du nô revient cependant au fils de Kan'ami, Motokiyo Zeami (1363-1443). Acteur dans la troupe de son père, il bénéficia également de la faveur du shogun. Poussant la stylisation plus loin que ne l'avait fait son père, il imposa le yūgen, « élégance tranquille », comme idéal du nô. Zeami fut à la fois un acteur, un metteur en scène, et un auteur prolifique, écrivant tout à la fois des pièces et des essais théoriques qui devinrent les fondations du nô. Il est probable qu'il remania en profondeur la plupart des pièces écrites par son père, ainsi que les pièces antérieures. Du fait de la contrainte imposée par ces nouvelles règles, l'aspect burlesque du sarugaku trouva son expression dans la forme comique du kyōgen, dont les représentations sont liées comme un contrepoint à celles du nô. Le traité essentiel de Zeami est la Transmission de la fleur et du style (Fushi Kaden), écrit en1423 et qui reste l'ouvrage fondamental pour les acteurs contemporains.

Nô et shoguns

L'histoire ultérieure du nô est étroitement liée à ses relations avec le pouvoir. Ainsi, après la mort de Kan'ami, trois personnes se partageaient le devant de la scène : Zeami lui-même, son cousin On'ami (mort en 1467) et son frère adoptif Komparu Zenchiku (1405 − 1470). Adeptes d'un style plus flamboyant que celui de Zeami et sans doute aussi meilleurs acteurs, On'ami et Konparu reçurent la faveur des successeurs de Yoshimitsu Ashikaga, les shoguns Yoshinori Ashikaga (1394 − 1441) et Yoshimasa Ashikaga (1436 −1490), tandis que Zeami tomba en disgrâce.

La guerre d'Ōnin (1467-1477) et l'affaiblissement du pouvoir des shoguns qui en découla portèrent un grave coup au nô. Afin de survivre, les descendants de On'ami et de Zenchiku Komparu tentèrent de s'adresser à un public plus large en introduisant plus d'action et plus de personnages.

Le renouveau du nô eut cependant lieu sous les auspices de Oda Nobunaga (1534 − 1582) et de Toyotomi Hideyoshi (1537 − 1598), ce dernier étant un grand amateur pratiquant le nô, qui assurèrent la protection des troupes. C'est en accord avec ses préférences esthétiques (celles de la classe du Bushidô) que fut créée l'École (Ryû) KITA qui vint s'ajouter aux quatre troupes (ZA) traditionnelles. Dans le même temps, la culture splendide de l'époque Momoyama marqua profondément le nô, lui transmettant le goût des costumes magnifiques, la forme des masques encore employés aujourd'hui ainsi que la forme de la scène. C'est également à cette époque que se compose le répertoire classique du nô, phénomène en rapport direct avec le changement de statut des « troupes » en « écoles ».

Scène peinte sur un paravent représentant un acteur de nô, fin du17e siècle.

Cette protection fut poursuivie à la période Edo sous l'autorité des Tokugawa. Déjà profondément lié à une transmission familiale, le nô devint alors totalement une affaire de famille, chaque acteur devant appartenir à un lignage (l'adoption d'adultes était alors une pratique courante, permettant d'intégrer de nouveaux acteurs). Cette évolution est à mettre en relation avec la division de la société en classes de plus en plus étanches qui eut lieu à cette époque.

Élément essentiel des divertissements des shoguns et par extension des samouraïs, le nô devint pratiquement réservé à ces derniers. Sous l'influence de ce public, les représentations se firent plus solennelles et plus longues, le nô devenant un art sérieux, demandant une grande concentration de la part du public.

Vers le nô contemporain

Le nô faillit bien disparaître avec ses protecteurs à l'ère Meiji, avant de connaître un retour en grâce à partir de 1912. C'est à cette époque que le terme nōgaku commença à être utilisé pour désigner l'ensemble formé par le nô et le kyōgen et que se construisirent les premières salles exclusivement dédiées à cet art.

À nouveau menacé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le nô réussit à survivre, et constitue aujourd'hui un des arts traditionnels les plus établis et les mieux reconnus. Le nô fut une des premières formes d'art dramatique à être inscrite en 2008 (originellement proclamé en 2001) sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco en tant qu'un des types de théâtre du nōgaku, conjointement au kyōgen.

Dramaturgie

Ce sont des drames brefs (entre trente minutes et deux heures) : une journée de nô est composée de cinq pièces, de catégories différentes.

La première pièce forme le jo, ou ouverture ; les trois suivantes constituent le ha, ou développement ; la dernière forme le kyû, ou finale. Cette organisation (empruntée par Zeami à la musique) se retrouve également dans la composition de chaque pièce, faisant du jo-ha-kyû un principe esthétique fondamental du .

La scène

La scène de nô du Théâtre national du nō à Tokyo.

La scène procède du dispositif chinois : un quadrilatère à peu près nu (excepté le kagami-ita, peinture d'un pin au fond de la scène) ouvert sur trois côtés entre les pilastres de cèdre qui en marquent les angles. Le mur à droite de la scène est appelé kagami-ita, tableau-miroir. Une petite porte y est ménagée pour permettre l'entrée des aides de scène et du chœur. La scène, surélevée, est toujours surmontée d'un toit, même en intérieur, et entourée au niveau du sol de gravier blanc dans lequel sont plantés de petits pins au pied des piliers. Sous la scène se trouve un système de jarres de céramique amplifiant les sons lors des danses. Les détails de ce système sont l'apanage des familles de constructeurs de scènes de nô.

Un vieux théâtre de nô, Hakusan Jinja, Hiraizumi, Iwate

L'accès à la scène se fait pour les acteurs par le hashigakari, passerelle étroite à gauche de la scène, dispositif adapté ensuite au kabuki en chemin des fleurs (hanamichi). Considéré comme partie intégrante de la scène, ce chemin est fermé côté coulisses par un rideau à cinq couleurs. Le rythme et la vitesse d'ouverture de ce rideau donnent au public des indications sur l'ambiance de la scène. À ce moment l'acteur encore invisible, effectue un hiraki vers le public, puis se remet face à la passerelle et commence son entrée. Ainsi, il est déjà en scène avant même d'apparaitre au public et le personnage qu'il incarne se lance sur la longue passerelle, le hashigakari qui impose des entrées spectaculaires. Le long de cette passerelle sont disposés trois pins à la taille decrescendo; ceux-ci sont des points de repère utilisés par l'acteur jusqu'à son arrivée sur le plateau principal.

Organisation de la scène de nô
Noh Theatre Ground Plan.PNG Légende :
  • 1 : Kagami-no-ma (pièce au miroir)
  • 2 : Hashigakari (pont)
  • 3 : Scène
  • 4-7 : Quatre piliers, respectivement Metsuke-BashiraShite-BashiraFue-Bashira et Waki-Bashira.
  • 8 : Jiutai-za (emplacement du chœur).
  • 9 : Musiciens. De droite à gauche, kue-za (flûte traversière No-kan),kotsuzumi-za (petit tambour), ohtsuzumi-za (tambour moyen) et parfois taiko-za (grand tambour).
  • 10 : Kohken-za (souffleur)
  • 11 : Kyogen-za
  • 12 : Kizahashi (marches)
  • 13 : Shirazu (sable blanc)
  • 14-16 : Pins
  • 17 : Gakuya (coulisses)
  • 18 : Makuguchi (entrée principale, obstruée par un lourd rideau de trois ou cinq couleurs, Agemaku)
  • 19 : Kirido-guchi (entrée du chœur et du souffleur)
  • 20 : Kagami-ita (dessin d'un pin, habituellement dans le style de l'école Kanō.

Le public est disposé face à la scène (butai) ainsi qu'entre le pont et le flanc gauche du butai. Observé sur 180 degrés, l'acteur doit en conséquence prêter une attention particulière à son placement. Les masques restreignant beaucoup son champ de vision, l'acteur utilise les quatre piliers pour se repérer et le pilier à la jointure de la passerelle et du plateau principal (dit le pilier du shite) pour se positionner.

Acteurs et personnages

Un ensemble de nô compte environ vingt-cinq artistes.

Scène de nô: le shite au centre, le wakià droite de dos, chœur à droite et orchestre au fond.

Il y a quatre catégories principales d'artistes, et cinq catégories principales de rôles :

  • Le shitekata correspond au type de jeu d'acteur le plus représenté. Ces acteurs interprètent divers rôles, dont le shite (le protagoniste), le tsure (compagnon du shite), le jiutai (chœur chanté, composé de six à huit acteurs), et les koken (serviteurs de scène).
  • L'acteur wakikata incarne les rôles de waki, personnage secondaire qui est la contre-partie du shite.
  • Le kyōgenkata est le style de jeu réservé aux acteurs jouant les rôles populaires dans le répertoire nô et toute la distribution des pièces kyōgen (représentées en intermède entre deux pièces nô).
  • Le style hayashikata est celui des musiciens qui jouent des quatre instruments utilisés dans le nô.

Les artistes suivent une formation complète de leur métier. Ainsi, qu'il soit acteur, danseur ou musicien, un artiste étudiera avant tout le chant. Le disciple, par exemple un joueur de percussion, lors d'un cours de tsuzumi, se prépare à frapper son instrument puis le maître entonne le chant de la pièce concernée. Le disciple attentif au chant apprend à placer les rythmes qu'il a mémorisés sur le chant qu'il doit « encourager ». Pour comprendre le concept de cette forme musicale, il est indispensable d'être initié au rythme du chant.

De plus, n'étant pas seul sur scène, il doit se combiner avec les autres percussions dans un contexte musical où la mesure est fluctuante (et non constante comme celle d'un métronome) et nécessite une écoute permanente entre les artistes. C'est le chant qui sert de guide à l'ensemble. Pour acquérir cette puissante capacité d'écoute, on étudie également tous les autres instruments. Ainsi, tous les artistes sont pluridisciplinaires mais sur scène, sauf cas exceptionnel, l'artiste ne jouera que dans sa spécialité. Le chant est l'élément essentiel et commun à tous les artistes.

Acteur costumé
Shite, acteur principal du nô, ici dans un costume de divinité féminine.
  • Le shite (littéralement « celui qui agit») est avant tout l'acteur qui joue le personnage principal de la pièce et qui exécute les danses. Il doit pouvoir jouer une vaste gamme de personnages, allant de l'enfant au dieu en passant par le vieillard ou la femme. Tous les acteurs étant des hommes, la nature d'un personnage est signifiée par son costume, très élaboré, et surtout par son masque, plus petit que la taille réelle. Seuls les acteurs shite mettent des masques, réputés concentrer l'essence du personnage à interpréter. Certaines pièces tolèrent un shitesans masque. Il s'agit de mises en scène spéciales compte tenu de la spécificité de l'acteur, une force intrinsèque à son âge (enfant ou vieillard). Dans les deux cas, il doit s'attacher à garder un visage inexpressif, tout comme les autres personnes présentes sur scène, et jouercomme s'il portait un masque (hitamen). Le métier d'acteur shite recouvre aussi les rôles de personnages accompagnant le rôle principal (mais qu'il ne faut pas confondre avec les rôles secondaires) : femme, enfant, animal ou être surnaturel.
  • Le waki (littéralement celui qui est « sur le côté ») a pour rôle essentiel d'interroger le shite et de lui donner une raison pour effectuer sa danse. Joué sans masque, le waki est toujours un personnage d'humain mâle et vivant. Il peut s'agir d'un aristocrate, courtisan ou envoyé, d'un prêtre, d'un moine, d'un samouraï ou d'un homme du peuple. Sa fonction sociale est indiquée par son costume.
  • Les tsure (littéralement « accompagnants, suivants ») sont des personnages secondaires qui accompagnent de leur chant soit le shite, on parle alors de shite-zure, soit le waki, on parle alors de waki-zure. Personnages sans nom, les tsure n'influent pas sur l'action de la pièce. Dans la pièce, plus qu'un personnage, le tsure n'est qu'une voix.
  • Les tomo (littéralement « compagnons ») sont des utilités et n'ont qu'un rôle épisodique. Ils représentent des serviteurs.
Kyôgen-shi au premier plan, avec sonwaki assis au second plan.
  • Le kyôgen-shi, présent dans un grand nombre de nô, le kyôgen-shi est le comique de la pièce. Parfois mêlé à l'action en qualité de comparse (portier de temple, batelier, portefaix, etc.) il n'a, la plupart du temps, qu'un rapport indirect avec la pièce elle-même. Son rôle consiste essentiellement à occuper la scène pendant le ai (littéralement « intervalle »), l'intermède qui sépare le nô en deux parties.
Membre du chœur allant s'installer à sa place
  • Le ji est un chœur, soit il prend directement part à l'action en se substituant à un acteur pour exécuter certains chants soit, personnage intemporel, il exprime le sentiment que l'action suggère. À la différence de la tragédie grecque, il ne représente jamais un groupe de personnages.
  • Le kôken (littéralement « surveillant »), n'est pas un acteur. Mais, bien que ne prenant pas part à la pièce, il est essentiel à son bon déroulement. Assis au fond de la scène en costume de ville, il dispose à l'avance les objets nécessaires, les faire disparaître lorsqu'ils ne le sont plus et fournit à point nommé ceux qui sont indispensables au cours de l'action (épée, éventail, canne, etc.). Il peut en cas de nécessité remplacer le shite.

Musique et texte

Les musiciens du nô : de droite à gauche, taikoō-tsuzumi et ko-tsuzumi(tambours), nōkan.

Outre les acteurs, la scène est occupée par des musiciens, rangés au fond de la scène, et par un chœur de huit à douze personnes occupant le côté droit. La musique est produite au moyen de trois types de tambours de taille croissante, l'un porté à l'épaule (ko-tsuzumi), le second entre les jambes (ō-tsuzumi) et le troisième (taiko) joué avec des baguettes de cyprès, ainsi que d'une flûte de bambou à sept trous (fue est le nom générique des flûtes traversières au Japon, le théâtre nô utilise la flûte nōkan). Les deux premiers tambours ont un corps de cerisier, le troisième d'orme, tous sont tendus de cuir de cheval et réglé par des cordes de lin.

La musique a pour fonction de créer l'ambiance, souvent une atmosphère étrange, en particulier quand interviennent des éléments surnaturels. Les anciens masques du nô étaient tenus par la bouche et les acteurs ne pouvaient pas prononcer de texte, c'était donc le chœur qui parlait à leur place.

Pour l'essentiel, le chœur est chargé de fournir les éléments de narration, de commenter le récit et de dire les répliques d'un acteur lorsque celui-ci exécute une danse, ou d'amplifier l'intensité dramatique d'une tirade. La domination des percussions dans la musique souligne l'importance fondamentale du rythme dans la représentation de no.

Le texte est psalmodié selon des intonations rigoureusement codifiées.

On distingue neuf formes chantées :

  • le shidai sorte de prose chantée est, en général, un récitatif assez simple ;
  • l'issei commence le rôle du shite. C'est l'une des formes les plus mélodiques du nô et son exécution est ordinairement confiée à deux voix,shite et shite-zure ;
  • l'uta (littéralement « chant ») revient plusieurs fois au cours de la pièce, généralement quatre ;
  • le sashi dont la forme présente une certaine régularité désigne un passage situé entre deux formes de caractère différent pour les relier ou préparer la seconde ;
  • le kuri est un chant animé aux inflexions variées qui introduit le kuse. Il débute souvent par une maxime, une généralité ;
  • le kuse, forme chantée la plus développée. Le kuse, au rythme calme et régulier, est ordinairement accompagné d'une danse ;
  • le rongi (littéralement « discussion ») est une sorte de dialogue chanté entre le chœur et le shite ;
  • le waka suit la danse du shite pendant laquelle il n'y a pas de chant. L'éventail ouvert devant le visage, le shite, immobile au centre de la scène, chante le premier vers, le chœur le reprend et continue le morceau pendant que le shite exécute une nouvelle danse ;
  • le kiri (littéralement « finale ») est un chœur assez court, de forme libre, qui clôt la pièce.

Du fait de la fixation du répertoire à la fin du xvie siècle, le texte est en japonais archaïque, incompréhensible pour les Japonais contemporains. La plupart des salles proposent ainsi des traductions du texte.

Structure du no

Le nô comporte deux parties, l'une d'exposition, l'autre d'action. Le shite, acteur dans la première devient danseur dans la seconde, ce que souligne le changement de costume plus somptueux alors.

Le nô se divise en scènes appelées ketsu (littéralement « division, coupure »). Ces dernières sont caractérisées beaucoup plus par les formes littéraires ou musicales employées que par l'entrée ou la sortie des personnages.

Première partie

  • Scène 1 : entrée du wakiShidainanorimichiyuki.
  • Scène 2 : entrée du shiteIssei (avec ou sans ni no ku), sashiuta, (sage-uta et age-uta).
  • Scène 3 : dialogue et exposition. Mondô avec ou sans katarisashi (kakaru), uta.
  • Scène 4 : développement. Kurisashikuse.
  • Scène 5 : suite du développement et conclusion partielle. Ronginaka-iri, intermède.

Deuxième partie

  • Scène 6 : entrée du nochi-jiteMachi-utaiissei dialogue chanté.
  • Scène 7 : danse du shite conduite soit par le chant du kuse, soit par l'orchestre.
  • Scène 8 : conclusion. Wakakiri. Danse du waka interrompue par le chant du shite qui scande le kiri.

Pièces

Une pièce de nô implique toutes les catégories d'acteurs. Il y a approximativement deux cent cinquante pièces au répertoire. On peut les répartir en deux groupes selon leur réalisme, ou en six catégories selon le thème. Ce dernier influera sur le moment où la pièce est jouée au cours de la journée traditionnelle de nô, qui comporte une pièce de chacune de ces six catégories.

Genzai nō et mugen nō

Le genzai nō désigne les pièces réalistes. Le personnage principal est alors un être humain vivant, et l'histoire se déroule en temps réel. La pièce est centrée autour des sentiments du personnage, toujours pris dans une situation dramatique. Le dialogue parlé constitue le moyen essentiel d'exposition.

Le mugen nō fait en revanche appel à des créatures imaginaires, divinitésfantômes ou démons. Ces créatures sont toujours jouées par le shite. Les pièces sont alors divisées en deux actes. Dans le premier, la créature apparaît sous l'aspect d'un être humain au waki venu visiter un lieu sacré ou célèbre. Au second acte, il se révèle et exécute une danse. Ce second acte est supposé se dérouler dans un rêve ou une vision de waki, d'où le nom de mugen, qui désigne ce type d'expérience.

Le sujet des mugen nō fait le plus souvent référence à une légende ou à une œuvre littéraire. Écrit dans une langue à la fois archaïque et poétique, le texte est chanté selon des intonations obéissant à des règles strictes de kata (formes imposées par la tradition). De même, les acteurs adoptent pour ce type de pièces un pas glissé caractéristique, et les mouvements des danses sont eux-mêmes très codifiés. Cette stylisation extrême donne à chaque mouvement et intonation une signification conventionnelle propre.

La mise au point des caractéristiques essentielles du mugen nō est attribuée à Zeami. Plutôt que de tenter de recréer la beauté sur la scène, son but est de susciter dans l'auditoire un état d'esprit propre à la contemplation de la beauté, sa référence étant le sentiment éprouvé face à la beauté d'une fleur.

Les six types de pièces

Les pièces de nô sont le plus souvent classées par sujet, qui régissent leur ordre de représentation (une journée de 5 pièces voit ainsi se succéder les catégories 1 à 5 de pièces). Cet ordre constitue un héritage de l'époque des Tokugawa :

  • Okina ou kamiuta.
  • 1re catégorie : pièces de dieux.
  • 2e catégorie : pièces de guerriers.
  • 3e catégorie : pièces de femmes.
  • 4e catégorie : pièces de femmes folles ou de folie.
  • 5e catégorie : pièces de démons.

Okina ou kamiuta

Il s'agit d'une pièce unique alliant danse et rituel shinto. En toute rigueur, il ne s'agit pas de nô, mais d'une cérémonie religieuse utilisant le même répertoire de techniques que le nô et le kyōgen. Il représente la bénédiction accordée par une divinité à l'assistance. Le masque est alors un objet religieux à part entière.

Ces pièces sont aussi connues sous le nom de sanban, « les trois rituels », en référence aux trois pièces essentielles chichi-no-jookina, et kyōgen sanba-sarugaku. Le rôle principal est tenu par un acteur de nô, le rôle secondaire par un acteur de kyōgen.

Ces pièces ne font partie des journées de nô qu'à l'occasion de la nouvelle année ou de représentations spéciales. Elles sont alors toujours données au début du programme.

Nô de dieux

Appelées aussi waki nō (nô d'après, après l’okina), elles ont une divinité comme personnage principal. Typiquement, le premier acte narre la rencontre d'un prêtre avec un autre personnage sur un lieu célèbre ou en route vers un tel lieu. À la fin de l'acte, l'autre personnage se révèle une divinité. Celle-ci, ou une divinité liée, revient à l'acte II pour exécuter une danse et bénir l'assistance, un temple ou les récoltes.

Exemples de pièces : le Vieux Pinles Deux PinsPo Chu-il'Arc du temple d'Hachimanla Déesse des cerisiersla Reine-mère de l'OuestKamole Dieu du temple de Shirahigel'Île aux bambous de la déesse Benten, etc.

Nô de guerriers

En japonais shura-nō, ces pièces sont centrées autour de l'esprit de guerriers morts, et tombés en enfer après leur mort. Ils reviennent alors pour raconter la vie dans l'ashura(enfer de la guerre), ou leur dernière bataille.

Exemples de pièces : le Général Tamura-maruYoshitsune à Yashimale Carquois de Kagetsuele Guerrier Michimorila Noyade de Kyotsunele Vieux SanemoriMinamoto no YorimasaDame Tomoe.

Nô de femmes

Appelées « nô de femmes » ou « nô à perruque » (kazura-nō), ces pièces tournent autour de l'esprit de femmes belles, de jeunes nobles, voire de plantes ou de déesses. Le moment essentiel de ces pièces est une danse gracieuse.

Nô de femmes folles ou de folie

Cette catégorie, assez mal définie, regroupe les pièces n'appartenant pas aux autres groupes, c'est pourquoi elle est aussi appelée la catégorie des «nô variés». Les pièces dépeignent en général un personnage, souvent une femme, tombant dans la folie par jalousie ou après la mort d'un être cher.

Nô de démons

Aussi appelées « nô de la fin » (kiri nō), ces pièces comprennent un personnage surnaturel, démon, roi-dragon, gobelin ou autre esprit de ce type, quoique le personnage central de certaines soit simplement un jeune noble. Ces pièces ont un rythme plus rapide, soutenu par l'utilisation du tambour à baguettes (taiko). Une danse rythmée constitue leur point culminant, qui est également celui de la journée de nô

Accessoires

Tout comme le répertoire, la diction et les attitudes, les accessoires sont issus d'un corpus traditionnel et jouent un rôle dans la compréhension de la pièce. Les accessoires les plus connus sont les masques, mais les costumes et les autres accessoires font l'objet de la même attention.

Les masques

Des documents de l'époque Momoyama (xvie siècle) font état d'une soixantaine de masques de nô (en japonais omote, « visage »), dont la plupart sont encore employés aujourd'hui. Ils sont utilisés pour tous les rôles de shite à l'exception des rôles d'enfants et d'hommes adultes vivants (par opposition aux fantômes). Quand le shite joue sans masque, il doit garder une expression neutre, exactement comme s'il portait quand même un masque. La conception des masques de nô mêle des éléments réels et symboliques, leur but étant de renseigner sur le type de personnage ainsi que sur son humeur. Lorsqu'il met le masque, l'acteur quitte symboliquement sa personnalité propre pour prendre celle du personnage qu'il va incarner. La contemplation du masque fait ainsi partie du travail de préparation pour le rôle. De plus, du fait de l'éclairage, l'expression du masque est conçue pour pouvoir varier en fonction de l'angle d'exposition. L'acteur doit ainsi constamment contrôler l'inclinaison de sa tête afin de présenter à la lumière son masque selon l'orientation voulue par l'humeur de son personnage.

Plus petits en taille que le visage de l'acteur, les masques réduisent considérablement son champ de vision. Il utilise alors les piliers de la scène pour se situer.

De même que pour les pièces, les masques sont répartis en six catégories.

Masques pour Okina

Les masques pour Okina proviennent du sarugaku, et datent donc dans leur conception d'avant la formalisation du nô. De ce fait, les plus anciens constituent des objets sacrés conservés dans des temples. Ils représentent à une exception près des dieux âgés et riants. Ils se distinguent des masques de nô proprement dits par le fait que la mâchoire n'est pas solidaire du reste du masque ainsi que par la forme des yeux et des sourcils.

Masques de vieil homme

Masque de vieil homme, époque d'Edo.

Les masques de vieil homme regroupent une grande variété de masques qui se distinguent les uns des autres par l'implantation des cheveux, la présence d'une barbe, le traitement des dents, et surtout l'impression. Cette dernière signale la véritable nature de la créature se présentant sous l'apparence d'un vieillard : véritable vieil homme, il peut aussi s'agir d'un dieu, d'un fantôme ou d'un esprit ayant adopté un tel déguisement.

Masques de démon

Masque de démon, époque d'Edo.

Les masques de démon, qui peuvent avoir la bouche ouverte ou fermée, se distinguent par la grande expressivité des traits et la coloration dorée des yeux. Ces deux éléments expriment la puissance brute et la sauvagerie des êtres surnaturels qu'ils représentent. Seuls des masques de démons féminins possèdent des cornes; les masculins n'en ont pas.

Masques d'homme

Masque d'adolescent, époque d'Edo.

Les masques d'homme sont la catégorie la plus nombreuse. Ils peuvent représenter un type humain particulier (le beau jeune homme, par exemple), signifier une caractéristique physique (la cécité) ou encore servir de déguisement à un être surnaturel (fantôme, jeune dieu) ; certains sont même propres à un rôle particulier.

Masques de femme

Masque de femme

Tout comme les masques d'homme, les masques de femme sont classés en fonction de l'âge et de l'expression du personnage représenté. Cependant, ils varient beaucoup moins en diversité d'expression, se concentrant plus sur des types particuliers, la jeune et belle femme, la mère inquiète et la vieille femme digne. Certaines expressions, en particulier celle de la femme jalouse, ne sont pas classées parmi les masques de femme, mais parmi les masques d'esprit vengeur.

Masques d'esprit vengeur

Masque d'esprit vengeur féminin, époque d'Edo.

Les masques d'esprit vengeur sont employés dès lors que la colère, la jalousie ou la haine submergent le caractère propre de la créature représentée, qu'elle soit un être vivant (homme ou femme) ou surnaturel (un fantôme), ces masques signifiant d'ailleurs le passage d'un état à l'autre. Ils ont en commun une coiffure ébouriffée et la dorure des yeux qui, comme dans le cas des masques de démon, dénotent l'absence de retenue et la sauvagerie des caractères possédés par leur passion.

Costumes

Les costumes (shozoku) sont issus des vêtements de cérémonie des nobles et des samouraïs de l'époque Muromachi (xive-xvie siècles). Le plus souvent en soie, ils sont particulièrement épais et lourds afin d'accentuer l'impression de richesse et d'élégance. Leurs ornements, sophistiqués, font partie intégrante du personnage joué, dont ils dénotent la nature ainsi que l'humeur. De ce fait, ils sont pratiquement aussi importants que le masque pour la composition du caractère, et font l'objet d'une contemplation de l'acteur qui s'imprègne de son rôle.

Accessoires

Tous les personnages entrant sur scène, y compris les musiciens, sont dotés d'un éventail. Les motifs des éventails, tout comme les masques et les costumes, renseignent sur la nature et l'humeur du personnage. L'éventail peut représenter un éventail, un objet différent (rame, épée...), un élément de l'environnement (soleil, neige...) ou un sentiment du personnage (joie, colère...).

Une boîte à perruque, la plupart du temps une boîte en laque, sert fréquemment de siège.

Enfin, le décor est constitué d'éléments légers, à base de bambou, sur lesquels sont liés des végétaux ou des tissus, donnant une idée du type d'environnement de la pièce. Contrairement à tous les autres objets du nô, les éléments de décor sont construits pour chaque représentation, et détruits ensuite.

Le nô aujourd'hui

Il y a environ mille cinq cents acteurs et musiciens professionnels de nô au Japon aujourd'hui4, et cette forme d'art recommence à prospérer. Contrairement au kabuki qui est toujours resté très populaire, le nô s'est peu à peu tourné principalement vers une certaine élite intellectuelle. Les cinq familles de nô sont les écoles Kanze (観世), Hosho (宝生),Komparu (金春), Kita (喜多), et Kongo (金剛). Les familles de kyōgen étant à part.

On compte environ soixante représentations par mois à Tokyo, plus trente dans le Kansai, pour un fonds de deux cent cinquante pièces régulièrement jouées.

Influence sur le théâtre occidental

L'ouverture du Japon, à la fin du xixe siècle, suscite l'intérêt de plusieurs artistes occidentaux. En 1921, le poète Paul Claudel est nommé ambassadeur de France au Japon, ce qui le marque le plus dans la structure dramatique du nô est sa musicalité. Il expose cette idée dans certains de ses textes critiques comme le Nō et Le drame et la musique. L'influence que le théâtre nô a pu avoir sur la dramaturgie de Claudel est surtout formelle. À la même époque en Irlande, Yeats, prix Nobel de littérature en 1923, est initié au nô et en imprègne tout son théâtre. Stanislavski ou Meyerhold se penchent également sur la dramaturgie japonaise, et font quelques expériences de mise en scène orientalisantes, mais s'inspirant plutôt du kabuki pour son aspect plus coloré et exotiquement spectaculaire. Bertolt Brecht, après s'être passionné pour le théâtre chinois, adapte en 1930 un nô :Taniko, sous le titre Der Ja-sager (celui qui dit oui).

Plus récemment, les nô modernes de Yukio Mishima, grâce à la traduction française de Marguerite Yourcenar, ont fait connaître au grand public francophone quelques éléments essentiels du nô, tels que les « fantômes vivants » ou les métamorphoses animalières. Les pièces de Mishima sont très fréquemment mises en scène également par les jeunes compagnies, et beaucoup dans le Off du Festival d'Avignon jusque dans les années 2000.

Actuellement en Suisse, le metteur en scène Armen Godel, passionné de nô et traducteur du japonais, monte notamment des œuvres de Racine, Corneille, ou bien sûr Mishima, les imprégnant du yūgen (mot typique du nô que René Sieffert traduit par « charme subtil ») et en France, depuis les années 1980, le metteur en scène et directeur de théâtre Junji Fuseya initie des artistes occidentaux à sa technique adaptée de sa propre formation traditionnelle de nô et kyōgen. Il faut noter encore l'inspiration que Peter Brook a certainement trouvé chez Yoshi Oida, avec lequel il a travaillé de nombreuses années.

 

Masques du théâtre japonais

Nom suivi de la description des masques utilisés dans le théâtre japonais  (drame lyrique), Kabuki (drame épique) et kyogen (farce). Le plus souvent, les masques sont utilisés indifféremment dans tous les théâtres. Lorsqu’ils sont particuliers à l’un d’entre eux, ils sont signalés. Enfin, ils sont classés par ordre alphabétique. Les dessins de certains masques sont reproduits en fin d'article. .

  1. ayakashi, masque d'homme (illustré dans le « Kokkiwa »);
  2. mitama ayakashi, variante du précédent1;
  3. akobu et akobujo;
  4. Akubo, méchant prêtre à la barbe hirsute;
  5. akujo, vieillard méchant habituellement barbu;
  6. hanakobu akujo, identique au précédent mais porte une verrue sur le nez;
  7. kobu akujo, variante du n° 5;
  8. meika akujo, variante du n° 5;
  9. washibana akujo, variante du n° 5 avec le nez crochu;
  10. ama za kuro;
  11. asakura, voir Kojo (n° 63);
  12. ayakiri, masque gigaku;
  13. bato, masque gigakuavec un grand nez et des cheveux longs;
  14. beshimi, masque de démon;
  15. chorei beshimi, variante de Beshimi, chef desOnis. Voir égalementObeshimi (n° 85) etKobeshimi (n° 60);
  16. boatsu, masque d'unBiddhisattva;
  17. buaku, vieillard très ridé et très méchant;
  18. bugaku, peut-être une variante du précédent;
  19. chiji no jo, masque de vieillard;
  20. choja, masque gigakud'un homme arborant un mince sourire et au nez crochu;
  21. chujo, appelé aussi wata otoko, jeune officier. Voir n° 127;
  22. dai hechi nommé Dai Hetsu shi ou « masque de démon »;
  23. dai kasshoku, masque de femme souriante;
  24. dai doji, grand masque de doji (jeune homme);
  25. deigan (de Dei, « boue » en japonais et Gan, « œil »), masque féminin;
  26. emmei kwanja, serait Daikoku pour Muller. Voir égalementjomeikenja (n° 48)
  27. fudo, divinité des chutes d’eau (cascades);
  28. fukai ou fukami oushakumi ou zo, jeune femme;
  29. fukujin, homme chanceux;
  30. futen, Dieu du vent;
  31. fukakusa otoko, masque masculin au faciès angoissé;
  32. gedo, masque de diable ou d’hérétique;
  33. genjoraku, masque gigaku;
  34. hakushiki, de « couleur blanche », signification semblable au masque d’Okina et utilisé dans la danse « Sembasso ». Sa forme est identique à celle du masque Kokushiki à la différence près que ce dernier est noir.
  35. hannya, masque de diable féminin. Apparaît fréquemment dans diverses pièces Nô en tant que : Adachigahara,Dojo-ji (Kiyohime), Aoi no ue, Momijigari, ainsi que dans les pièces de Watanabe no Tsuna, Omori Hikohichi, etc…;
  36. hashihime;
  37. heida, masque d’homme;
  38. hemi jo, masque de vieillard très semblable au masque Snko (n° 100);
  39. hyottoko masque masculin dont la bouche, de forme tubulaire se porte en avant (ce masque est aussi appelé le « souffleur d'eau »), semblable à une personne qui fait la moue. Il arbore parfois une moustache. On le rencontre habituellement avec des danseurs de Manzai en tant que personnage comique. Il est alors utilisé dans le théâtre Kiogen;
  40. hokwansante, masque gigaku;
  41. ikazuchi, autre nom de la divinité du tonnerreKaminari ou Raiden;
  42. ikkaku sennin, masque d’homme porteur d’une unique corne au milieu du front. Personnage principal de la pièce du même nom parMotoyosu;
  43. imawaka, masque masculin;
  44. jaguchi, masque figurant une « gueule de serpent »;
  45. jido, masque de jeune homme. Le personnage principal dans la pièce Nô Kikudjido;
  46. jisungami, « Kami aux dix pieds ». Masque féminin;
  47. jo nom générique donné aux masques figurant un homme;
  48. jomei kanja, masque de vieil homme souriant. La barbichette est identique à celle d’Emmei Kwanja(n° 26);
  49. jiuroku, masque d’homme de la soixantaine avec une mine reposée, peut être Kikujido;
  50. kachiki, masque d’une femme affamée;
  51. kagekiyo, masque d’un vieillard aveugle héros d’une pièce  portant le même nom;
  52. kaminari (voir Ikazuchi), divinité du Tonnerre;
  53. kantan no otoko, personnage masculin tiré de Hantan (Chih lih,Chine, héros d’une pièce traduit dans Classical Poetry of the Japanesepar Chamberlain;
  54. kawazu, masque de crapaud utilisé dans la pièce Jiraiya;
  55. katsujiki, masque masculin, un Glouton;
  56. kijo, masque d’un diable féminin plus petit que celui d’Hannya (n° 35);
  57. kiokumi, masque féminin;
  58. kitoku, masque gigaku;
  59. kitsune, masque d’un renard;
  60. kobeshimi, petit masqueHeshimi représentant un diable parfois barbu;
  61. koja, « Serpent-renard »;
  62. koji, peut-être le même que Katsujiki (n° 55).togan kojijinen koji;
  63. kojo, « Petit homme âgé »;
  64. koiguchi kitoku, masque gigaku;
  65. kokujiki, masque noir utilisé pour la danse « Sambasso »;
  66. ko-omote, petit masque de femme;
  67. konkwai, masque de renard ayant revêtu l’aspect d’un prêtre;
  68. kotobide, « petitTobide »;
  69. ko ouchijo, voir Ouchijo(n° 94);
  70. kozura, petite jeune fille vierge;
  71. kumasaka, voir Kumasaka Chohan, le voleur;
  72. kurohige, homme à la barbe noire;
  73. kurokami, homme à la barbe noire;
  74. kwonin, masque gigaku;
  75. magojiro, masque féminin;
  76. maijo ou bujo, vieillard dansant;
  77. mambi, en japonais « sourcils parfaits ». Remarquables par leur absence;
  78. masu ou masugami, masque de fille;
  79. moko, en japonais : « tigre furieux »;
  80. nakimasu, femme pleurant;
  81. mamanari, masque de diable dont les cornes sont plus courtes que celle d’Hannya. Utilisé dans la pièceShekkoseki du théâtre et décrit lors de la scène de capture d’unOni par Koremochi;
  82. nanja, « Homme-serpent »;
  83. niakunan, identique au masque Chujo (n° 21);
  84. niudo, identique au masque Mitsume Niudo, le lutin porteur de trois yeux. « Niudo » veut dire « retiré de la vie religieuse » en japonais;
  85. obeshimi, en japonais « grand Heshimi ». Masque de diable sans ses cornes. La bouche est hermétiquement close;
  86. okame. Voir Uzume (n° 126);
  87. okina, masque de la danse Sambassoreprésentant un vieil homme avec des touffes de cheveux sur le front et sur les commissures labiales. Très semblable à un masque comique illustré par Floegels;
  88. omoni;
  89. oni, nom générique donné au diable;
  90. otobideGrand Tobide, masque de diable sans ses cornes mais représenté la bouche ouverte et avec une barbe noire;
  91. otoko et onna, vieil homme et vieille femme. Masques gigaku.
  92. raiden, divinité du tonnerre. Voir Kaminari(n° 52) et Ikazuchi (n° 41);
  93. rashomon, masque de diable. Voir Watanabe no Tsuna;
  94. ouchijo, veil homme;
  95. ran RIO, appelé aussiRIU-O. masque du RoiRiujin de la Mer. Masque gigaku;
  96. rôjô, vielle femme souriante;
  97. roso, prêtre âgé souriant;
  98. saisoro, masque gigaku;
  99. samba ousambasso. Voir les masques de Kokujiki(n° 65), Hakushiki (n° 34) et Okina (n° 87). Il existe aussi un masque avec une langue protruse utilisé lors des dansesSambasso;
  100. Sanko ou sankojo, masque de vieil homme sculpté, à l’origine, par le sculpteur Sankobo;
  101. Saru, masque de singe dont il existe plusieurs variantes parmi lesquelles Saru Beshimiet Saru Tobide tous deux des « singes-démons »;
  102. Saruta, masque gigakude Satura Hiko no Mikoto porteur d’un long nez à la Pinocchio. Il ne faut pas le confondre avec un Tengu;
  103. Semimaru, masque masculin représentant le fameux joueur de flûte Semimaru;
  104. Shaka, masque du Bouddha;
  105. Shakumi, masque de femme. voir Fukai (n° 28);
  106. Shikami, masque d’un homme fronçant les sourcils;
  107. Shinja
  108. Shinsotoku, masquegigaku;
  109. Shintai, masque d’homme;
  110. Shiofuki, vent salé. La bouche est allongée en forme de tuyau;
  111. Shishiguchi, gueule de lion, mentionné dans le Sun;
  112. Shiwajo, veillard ridé et fronçant les sourcils;
  113. Shôjô, buveur desaké;
  114. Shojô, masque de vieillard portant la barbe et dont le visage exprime la souffrance;
  115. Shunkwan, masque du prêtre Shunkwan, héros de la pièce  du même nom;
  116. Suikô, masque gigakuaux oreilles aplaties, un nez crochu et pointu et dont la tête est couverte d’une peau de tigre. Voir Kappa.
  117. Sumiyoshi Otoko, jeune homme dont les sourcils sont relevés en forme d’accent circonflexe;
  118. Tako ou Hiottoko ou encore Igo, souvent représenté avec un œil ouvert et l’autre fermé. La bouche est allongée en forme de tuyau. C’est un masque de comédie (théâtre Kabuki);
  119. Tenko, masque de renard;
  120. Tengu, les anciens masques de Tenguavaient le type du Tengu à fort bec d’oiseau mais on rencontre des masques de Tengu arborant une figure humanoïde dotée d’un long nez à la Pinnochio très proche de Saruta (n° 102) mais peint en rouge. Le masque deSōjōbō est souvent identique à celui Otobide (n° 90) mais le personnage qui le porte est muni d’ailes dans le dos;
  121. Tokouka, vieillard au large sourire et dont les yeux, à moitié onverts, clignent;
  122. Toru (voir Owada Tateki,vol. 4);
  123. Tsurimanako, homme au regard en coin, démon sans corne;
  124. Uba, masque de veille femme. Sorcière du théâtre ;
  125. Uobiyoe;
  126. Uzume, voir Okame (n°86);
  127. Waka Onna, jeune femme ; Waka Otoko, jeune homme;
  128. Waraijo, vieillard riant. Identique à Sankojo (n° 100);
  129. Yace Otoko, homme mince;
  130. Yace Onna, masque de jeune femme mince arborant une souffrance;
  131. Yakan, masque de renard (voit Kitsune, n° 59);
  132. Yama no Kami, Seigneur des Montagnes. Parfois porteur de trois yeux;
  133. Yama Uba, masque féminin parfois porteur de cheveux blancs peints. Utilisé associé à une perruque;
  134. Yasha, masque d’une divinité féminine arborant un sourire féroce;
  135. Yorimasa;
  136. Yoshisada Nitta, morsure de la lèvre inférieure, une flèche traverse le front.
  137. Yorohoshi, appelé aussiYowa Hoshi, prêtre infirme;
  138. Zo ou Zo-onna, voirFukai (n° 28).

Quelques masques

 

13 janvier 2014

le masque.....

1720047808

 

 

De l'ensemble de mes travaux sur le symbolisme du masque, je ne prétends apporter ici qu'une très modeste esquisse, défectueuse peut-être sur bien des points. D'autres feront mieux.

Le masque dans le Martinisme est présent dès le degré d' « Associé », il est verticalement le premier effet vestimentaire dans notre Ordre et c'est à ce titre qu'on peut dire qu'il est fondamental. Aussi, avant de lever le voile sur le symbolisme du masque, il serait bon de reformuler ce qu'est un symbole et sa fonction.

Un symbole est un médiateur entre le monde physique et le monde de la pensée. C'est un langage ou plutôt un méta-langage qui dépend bien sûr de la culture et du contexte dans lequel on l'emploie. Depuis les travaux de Jung en psychanalyse, les symboles ont repris une place importante dans la vie de notre société matérialiste, ce qui est en soi un bon signe de son évolution vers le monde de l'esprit, la spiritualité.

Les fonctions du symbole dans la tradition ésotérique sont multiples. Dans un premier temps, le symbole évoque tout en voilant, il structure alors notre pensée et permet ainsi de faire en nous les prises de conscience qui mènent au « Connais-toi, toi-même ». Par principe, un symbole n'est jamais vraiment interprété, car sa partie voilée est beaucoup plus importante que sa partie visible; le symbole, disait L.C.de Saint Martin en parlant des Nombres, n'exprime que l'étiquette du sac, et ne donnera pas communément la substance de la chose. Cette substance, comment l'obtenir? Eh bien, tout simplement, par recoupement entre divers symboles dans une même tradition, ou avec d'autres traditions, quand notre perception personnelle de ce symbole est assez solide. Les symboles jettent des ponts dans la conscience de l'individu .Ils permettent des associations d'idées qui favorisent l'éveil de la conscience.

Après cette brève explication du symbole, voyons maintenant notre sujet qui est Le symbolisme du masque.

Revêtir sa jeunesse de quelque costume élégant, éclatant et fantastique, cacher son visage sous un masque d'expression immobile, assumer une personnalité nouvelle, de tous inconnus; devenir un autre, un autre plus libre et plus léger, déchargé des soucis habituels et s'exaltant de sa métamorphose, c'est cueillir la joie que toujours donne à l'homme l'oripeau (vêtement usé qui a conservé un reste de splendeur), mais aussi l'inquiétude vague que lui donne le masque. Inquiétude ? Eh oui: ce n'est pas sans cause que dans l'antiquité romaine, les jours carnavalesques, «Les Saturnales» étaient placés sous les auspices de Saturne, le Dieu planétaire auquel toute la tradition attribue une humeur inquiète et chercheuse.

Inquiétude ? oui, puisqu'il s'agit de cacher sa personnalité sous l'apparence d'une autre très différente, de déguiser sa propre réalité, d'augmenter au maximum la distance entre sa vie intérieure et son activité extérieure, de créer une personne superposée à la sienne.

Mais déjà une personne, n'est-ce pas un masque ? Dans le théâtre antique, l'acteur portait toujours un masque dont la bouches étaient un porte-voix, et ce masque se nommait « per sona » (personne): la voix sonnait à travers lui. Ainsi, si l' homme est une personne, c'est que le masque lui a donné son nom. Un héros de tragédie était toujours en relation avec le monde divin ou le monde démoniaque. Pour frayer avec les êtres surnaturels, il portait toujours un masque; il leur présentait de lui-même une apparence rituelle, façonnée selon les canons d'un art hiératique (c'est-à-dire conforme d'une tradition liturgique). Dans toute l'Afrique, le sorcier, pour évoquer les puissances ténébreuses, revêt un costume solennel et fantasmagorique, et cache son visage sous un masque.

La nature même pose un masque à la créature humaine pour une entrée dans la vie comme pour une entrée dans la mort. Elle modèle le masque de la femme enceinte; elle sculpte d'un doigt tragique, avec l'os et la chair, ce masque prémonitoire, lisible comme des lettres familières, des hommes que va saisir la griffe de la mort.

Plus loin encore, plus haut, monte le symbole du masque. La théologie dit que Dieu est personnel, proposition qui choque fort ceux qui n'entendent pas la langue française. Elle a conservé au mot «personnel» son sens fondamental de «masqué». Elle signifie que Dieu est masqué par le monde, c'est-à-dire incommunicable. Pour la théologie catho-lique, le monde est le masque de Dieu.

Pour le Martiniste, le masque est une chose destinée à masquer la personnalité et à augmenter au maximum la distance entre l'initié et le monde profane, c'est donc une aide pour créer la personnalité idéale, c'est aussi l'un des trois outils dont l'Initié se sert pour entrer dans la voie tracée par les Supérieurs Inconnus et bénéficier de leurs influences. L'Initié doit-il alors se cacher ? Uniquement au monde profane, à ses Frères il se présente sans contrainte, tel qu'il est.

Qu'enseigne alors le masque à l'Initié ? II enseigne que la connaissance est impersonnelle et n'est connue que par ses manifestations. Elle ne peut être personnifiée comme individualité.

Qu'elle est l'origine du masque? Dans les tragédies, les divinités mêmes étaient sensées parler par le masque de l'acteur. Aussi l'homme a été amené à associer le masque à des communications avec d'autres mondes. Avec nous il est devenu le symbole de cette communication.

Le langage direct est incapable d'exprimer pleinement et complètement la pensée. S'il répond aux besoins immédiats de l'homme, il est néanmoins insuffisant pour présenter en un grand ensemble une idée.

Ainsi, de réflexion en méditation, au fil du temps, se tissera dans notre conscience une structure, un tissu, un réseau d'association d'idées qui relèveront progressivement la substance du symbolisme du masque.

(source: hermanubis )

Le masque est la technique la plus simple et rapide pour changer d'apparence. En cachant son visage aux personnes qu'il rencontre, il autorise son porteur à jouer un rôle tout différent de sa propre personnalité. Il est utilisé à l'occasion de carnavals, Halloween (masques d'horreur) et bals masqués. 

Cependant, le masque est aussi le signe de la condition mortelle des humains. Ainsi, au moment des funérailles du roi de Léré (Tchad), la société lui confère, par la présence des masques, le statut d'homme qui lui a été refusé, lors de sa circoncision. Les za-tchou-tchou hurlant la devise rappellent au souverain sa condition mortelle: «La mort, la mort est le masque du roi!». Au Gabon, dans le bassin de la Ngounié, le mukuyi commémore les défunts. Monté sur d'immenses échasses, un danseur masqué, dont le corps se dissimule sous un vêtement en tissu -autrefois en raphia- exécute des figures acrobatiques tout en brandissant de chaque main un chasse-mouches. Les masques du mukuyi sont censés représenter des ancêtres, parfois féminins. Le visage énigmatique du masque est légèrement triangulaire. Sous les yeux clos, étirés en amande, et comme gonflés par le sommeil, les pommettes haut placées s'arrondissent.

« Parce qu'il dévoile en dissimulant, sert le culte comme les plaisirs profanes, le masque est aussi vieux que le monde. A la fin du XIXe siècle, alors que les codes du naturalisme entrent en crise, sa résurgence est massive, inventive et troublante ; elle profite de l'intérêt de l'époque pour la Grèce archaïque, le Japon et le portrait rapproché en photographie. Tous les arts donc alimentent le renouveau du masque, de la peinture au théâtre d'avant-garde. Ensor*, Munch*, Vallotton, Böcklin, Klinger, Gauguin ou Picasso, soit quelques-uns des vrais créateurs de l'époque, à travers l'Europe entière, ont attaché leur nom et leur esthétique à cette étrange vogue ».

http://www.musee-orsay.fr/fr/manifestations/expositions/au-musee-dorsay/
presentation-generale/article/masques-de-carpeaux-a-picasso-20450.html?
cHash=5bfb5c7d8f&tx_ttnews%5BbackPid%5D=221

«Mais déjà une personne, n'est-ce pas un masque? Dans le théâtre antique, l'acteur portait toujours un masque dont la bouches étaient un porte-voix, et ce masque se nommait « persona » (personne): la voix sonnait à travers lui. Ainsi, si l'homme est une personne, c'est que le masque lui a donné son nom. Un héros de tragédie était toujours en relation avec le monde divin ou le monde démoniaque. Pour frayer avec les êtres surnaturels, il portait toujours un masque; il leur présentait de lui-même une apparence rituelle, façonnée selon les canons d'un art hiératique (c'est-à-dire conforme d'une tradition liturgique). Dans toute l'Afrique, le sorcier, pour évoquer les puissances ténébreuses, revêt un costume solennel et fantasmagorique, et cache son visage sous un masque.

La nature même pose un masque à la créature humaine pour une entrée dans la vie comme pour une entrée dans la mort. Elle modèle le masque de la femme enceinte; elle sculpte d'un doigt tragique, avec l'os et la chair, ce masque prémonitoire, lisible comme des lettres familières, des hommes que va saisir la griffe de la mort.»

En portant le masque, l'Iroquois cesse d'être un membre de la tribu comme un autre et se métamorphose en un sorcier. il n'appartient plus alors à la vie quotidienne, mais prend part au sacré, à l'invisible. S'il s'est masqué, c'est moins pour ne pas être identifié que pour être reconnu en tant que chaman:

« Il y a la mort ; un masque, c'est de la mort, un morceau de mort. La mort d'un arbre d'abord. Voici comment le profane, une fois accepté par la False Face Society, procédait à la fabrication de son masque. Il se rendait dans les bois pour y choisir un arbre adéquat, c'est à dire vivant et plein de sève. Ceci est essentiel : en effet il s'agit de tuer, et les lois du combat, du meurtre, exigent que le vaincu s'y soit présenté en pleine Forme; pour une raison de fair-play bien sûr, mais aussi, et surtout, parce que le but recherché dans ce genre d'affaire est toujours l'appropriation de la force, de l'énergie, de la vie de l'adversaire abattu. L'Iroquois rendait visite à son arbre trois jours de suite et brûlait du tabac à son pied : ii soufflait également de la fumée dans ses branches, et lui demandait par avance pardon du crime qu'il se préparait à commettre. Puis il arrachait une partie de l'écorce, sculptait grossièrement l'esquisse de son masque à même le tronc et, parfois en abattant l'arbre, découpait la partie entaillée. Il s'écoulait parfois une dizaine d'années avant que cette dernière opération ne soit effectuée, et la croissance de l'arbre ajoutait encore à la déformation des traits du faux visage. Le travail de sculpture était terminé à la maison, où avait lieu également la finition, polissage et peinture.

Un masque iroquois représente donc la torture et, souvent, la fin d'un arbre. Mais ta matière dont il est fait ne suffit pas à évoquer la mort, il y faut ajouter son immobilité. Cette face horriblement déformée présente aujourd'hui les mêmes traits que ceux qu'elle avait le jour où elle a été sculptée; son expression n'a pas changé depuis. Elle est restée identique, arrêtée, figée comme celle d'une dépouille mortelle que paralyse la «rigor mortis» [la rigidité de la mort]. L'Iroquois nie le visage que la nature lui a donné, il y colle une peau morte. Porter un masque, c'est donc remplacer un visage mobile par un autre figé, transformer une face vivante en une morte, on peut parler de suicide symbolique.

Cependant l'homme masqué, l'Indien qui porte ce symbole de mort est bien vivant: et il exalte, dans la danse, son corps et. sa vie. de manière frénétique. [...] Le masque concrétise, rend visible la frontière entre la vie et la mort. Il illustre le moment où le vivant meurt (et c'est l'action de se masquer) et où le mort redonne la vie (et c'est le premier pas de la danse), l'instant incompréhensible où le mouvement et l'immobilité s'engendrent réciproquement, la portion de temps, ou plutôt d'éternité, où vie et mort se confondent. C'est ainsi qu'il guérit : les danseurs entraînent le malade dans un monde où toute opposition, toute contradiction est dépassée, transcendée, dans l'au-delà où sa maladie ne compte plus ; puis ils le rejettent dans l'univers de son quotidien. La maladie est restée dans ce « là-bas » symbolisé par le faux visage. Fabriquer un masque et le porter, c'est geler la vie. Figer le mouvement et, de cette mort, de cette immobilité, tirer une danse, une renaissance, la guérison ».
http://michel.balmont.free.fr/charis/masque.html

 

L’Afrique a donné naissance à un très grand nombre de masques qui n'ont évidemment pas une seule fonction, ni une seule signification. Il s sont fondamentalement des symboles du sacré en tant que supports temporaires d'un dieu c’est-à-dire tout être ou force qui est invisible parce qu'il ne se confond pas de façon permanente avec l'humain. Cette signification est fondamentale pour définir les masques et pourrait être commune à la majorité des sociétés traditionnelles du monde, celles qui, à l'aube du 19ème siècle, résistaient encore à la fois à l'influence de la culture des puissances coloniales et à celles des grandes religions monothéistes. Les masques ont souvent disparus là où le christianisme et l'islamisme ont été adoptés. 

Traiter un sujet sur les masques pose inévitablement un délicat problème d'équilibre à trouver entre ethnologie et esthétique, entre exoterisme et ésotérisme, deux approches indispensables l'une que l'autre. Aborder les arts de l'Afrique sous l'angle exclusivement esthétique aboutit à les priver d'une grande partie de leur signification, de leur poids de l'humanité. Pour sentir toute la beauté d'une œuvre, il faut connaître sa raison d'être et son but, son sens mythique pour celui qui l'a créé et pour ceux qui l'ont vécue. Faute de quoi, on la mutile. Si, choisissant la solution inverse, on privilégie l'ethnologie aux dépens de l'esthétique, on mutile également une création ; on la réduit au niveau d'objet, fût-ce un objet à but sacré. 

Au début de ce siècle, Matisse, Picasso et autres peintres cubistes, ont les premiers exploiter la beauté ou l'intérêt de certaines formes de l'art nègre. Mais, on peut se demander s'ils avaient une vision complète de ces œuvres ou simplement s'ils recherchaient en priorité la solution à certaines problèmes plastiques. En effet l'appréciation totale des arts de l'Afrique passe par un effort conscient, une abstraction des modes de raisonnement cartésien, une adoption de la vision de l'homme qui a créé l'œuvre ou qui l'a vécue. Dans ces conditions, l'art apparaît comme l'aboutissement final, la réalisation la plus parfaite d'un moment de vie et non comme un concept parmi les plus dangereux du monde moderne, le concept d'art qui ne considère que la beauté de l'objet en lui adjoignant une valeur financière artificielle avec comme corollaire le pillage, les trafics, la spéculation et l'exploitation touristique. 

Sous l'apparence matérielle du masque, sous son attrait esthétique, il ne faut pas oublier qu'il y a presque toujours une dimension philosophique : l'objet est le support d'un rite ou d'un principe de vie. La première raison d'être de ces objets n'est pas le plaisir de l'œil. Leur destination profonde est ésotérique, axée sur les cultes ancestraux ou mythiques : faire revivre des mythes fondateurs, perpétuer la mémoire des ancêtres, agir de manière positive sur des forces surnaturelles ou sur les émanations de l'au-delà ce qui entraîne de nombreuses implications dans les domaines de la morale et de la sociologie. En d'autres termes, les masques permettent d'assurer la cohésion et la hiérarchie sociales, le respect des lois coutumières et la répression des comportements non admis dans un groupe. Le masque garantit un mode de vie. 

Les mythes qui relatent l'existence d'un dieu créateur ou l'intervention des astres dans la vie quotidienne sont très nombreux dans les sociétés africaines animistes. On conçoit aisément que les conjonctures célestes prédéterminent ce qui se passe sur terre et inversement chaque événement terrestre a ses répercutions dans le ciel. L'homme a toujours voulu dépasser les limites de ses cinq sens afin de pouvoir franchir le seuil du surnaturel. Ainsi de tous temps, les hommes ont imaginé et élaboré des intermédiaires et presque toute l'Afrique connaît et utilise des masques. Le masque est apparu comme l'expression symbolique de certains aspects du surnaturel. Il permet d'entrer sans danger en contact avec le transcendant. Cette prise de conscience avec le monde surnaturel se retrouve non seulement dans les masques proprement dits, mais aussi dans des statuettes ou même des amulettes avec une représentation très variée. 

En visitant pour la première fois un musée consacré à l'art africain, j'ai été frappé par l'absence de vie des pièces exposées, des pièces totalement amputées de leur richesse ésotérique pour ne conserver que le coté esthétique devant lequel d'ailleurs les visiteurs semblaient satisfaits. Isolés de leur monde, de leur milieu d'origine dans lequel ils avaient un sens, rangés dans des pièces froides, prisonniers des vitrines, ces masques ne sont plus des objets vivants destinés à servir la religion des peuples auxquels ils appartenaient. Désormais, ce sont des objets morts et comme tels ils sont défonctionnalisés. Alors qu'à l'origine, ils étaient indissociables de la musique, des rythmes, des danses, des chants, des sacrifices et de tout le rituel qui les animait. Immobile et solitaire, le masque a gardé son signe mais il a perdu son sens. A quel but répondait-il ? Quel était son sens ? A quelle réalité contemporaine, à quel vécu d'aujourd'hui pouvait bien correspondre cette pratique ? 

Le monde des masques est aussi complexe, proliférant et inextricable que la forêt équatoriale, mais on peut tenter de dégager quelques éléments pour répondre à ces trois questions. 

Le terme "masque" est couramment utilisé avec des sens différents, et il apparaît que l'on pouvait facilement passer d'une définition à une autre : 
- déguisement plus ou moins grotesque : c'est un faux visage pour se donner un aspect différent : 
- dans le cadre physique, le masque peut signifier le faciès, l'aspect réel d'un visage humain ou bien son aspect anormal lorsqu'on est malade 
- dans le cadre plastique, un masque peut être un modelé de visage, un motif ornemental reproduisant une personne ou un animal. Un masque peut se réduire à une couche de crème, de fard plus ou moins gracieusement appliquée sur le visage 
- dans le cadre pratique, le masque désigne généralement une sorte de protection, le masque pour anesthésier, le masque à oxygène, le treillis des escrimeurs, le masque des soudeurs, cette liste n'étant pas exhaustive... 

On pourrait ajouter le terme "mascarade" qui se rapporte de très près à celui de masque en désignant parfois une mise en scène ou une attitude trompeuse ou hypocrite. Ce dernier aspect est possible parce que l'homme peut se masquer sans porter de masque en se composant une attitude afin d'apparaître de façon plus ou moins dissimulée. L'animal est également capable de se masquer mais à la différence de l'homme qui pense, il est guidé uniquement par son instinct pour attraper ses proies, se fondre dans un environnement ou adopter une attitude terrifiante pour faire fuir ses prédateurs. 

Le masque peut et même doit, à travers tous ces aspects, permettre la dissimilation par la perte factice de l'individualité, la métamorphose par l'adoption d'une apparence et enfin l'intimidation qui peut chez l'homme aller jusqu'à l'épouvante. 
Cette classification que j'ai empruntée au Petit Robert est nécessairement artificielle parce qu'un masque quel qu'il soit peut appartenir à plusieurs de ces catégories. Et le masque africain, grâce à son pouvoir de personnification de la tradition par le culte des ancêtres, résume bien tous ces aspects. 

Pour être cosmique, le masque africain emprunte ses éléments à la nature mais il les recompose en fonction de la culture dont il émane et en fonction également de l'idée ou de l'impression qu'il doit communiquer. 

Le masque est généralement fabriqué en bois mais il emprunte aussi au règne végétal d'autres éléments comme les feuilles, les fibres et les teintures. Les masques de feuilles sont destinés à être détruits immédiatement après utilisation. Le monde animal n'est pas en reste. Le masque utilise les cornes, les coquillages, les dents et même la peau de bête. La plupart des masques Kuba au Zaïre sont décorés à l'aide de cauris qui font partie intégrante du masque. Trois concepts pour expliquer l'utilisation des cauris : tout d'abord, symbole de richesse grâce à la valeur économique du cauri en cours dans le royaume Kongo ; symbole de pouvoir par l'évocation de l'ancêtre mythique, héros fondateur de la dynastie Kuba qui épousa sa soeur, il témoigne de l'omnipotence du chef et de la prohibité de l'inceste ; métaphore du sexe féminin, il est associé à la notion de fertilité et de fécondité et donc à la prolifération des êtres humains. Pour les cornes, ils sont pour l'animal qui les possède ce que les pousses des végétaux sont à la terre et par analogie, elles renvoient à ce qu'il y a de plus profond en nous. 

Le masque, quel qu'il soit, se distingue des autres formes de représentations comme la statuette sculptée du fait qu'il est souvent la figure anthropomorphe la plus représentée et la plus exotérique possible avec toutes les variantes possibles pour ce qui est du relief depuis la circonférence absolument plate jusqu'au relief le plus profond avec parfois un saisissant réalisme. 

L'aspect du visage a une signification précise à travers les traits faciaux : un regard avec des yeux fendus correspond à une expression de possession spirituelle alors que les traits faciaux saillants avec des yeux orbitaux se retrouvent sur les masques destinés à faire peur. Certaines sociétés secrètes utilisent directement un crâne humain porté en haut de masque par un initié dissimulé par le costume d'accompagnement. 
Il est souvent porteur de combinaisons formelles surprenantes unissant très souvent l'humain et l'animal, créant ainsi un être hybride qui incorpore à l'humain non seulement sa forme mais recrée avec lui un ensemble complexe recomposé en fonction de la culture dont il émane et en vue de l'idée et de l'impression qu'il doit communiquer : la crainte, la joie ou l'épouvante. 

Les masques zoomorphes sont encore plus variés comme chez les Baoulés en Côte-d'ivoire le masque antilope lié aux cérémonies d'exorcisme et d'invocation des forces de la nature ou le masque bovidé dans les îles Bissagos en Guinée Bissau. 

Les masques de coloration blanche, couleur de la mort représenterait l'esprit d'un défunt, sont utilisés pendant les funérailles ou les cérémonies de fin de deuil alors que le rouge représente le courage, la vie, et la santé. Certains masques sont polychromes ce qui donne au visage son maximum de qualité expressive. Exemple de masque de devin chez les Vili du Sud Congo où le blanc signifie la fortune, la santé, le rouge représente la femme, le danger et le noir est le malheur, le deuil. Cette situation de glissement sémantique montre bien l'équivoque qui imprègne de manière constante toute interprétation d'un symbole en dehors de ses relations avec la culture dont il dérive. Nous y reviendrons. 

A partir de tous ces éléments, l'intention esthétique du sculpteur se manifeste souvent dans la variété des formes des masques même si celui-ci doit toujours respecter le modèle. Leur port offre également une grande diversité : la plupart couvrent la face, d'autres se placent sur le front du danseur ou au sommet de sa tête ou se portent comme un casque. Bien souvent, le reste du corps est couvert par le costume d'accompagnement. Il s'y ajoute des parures et des accessoires. Le costume est constitué de fibres, de feuillage, en peau de bête ou tout simplement en tissu épousant parfois jusqu'à la forme des mains  et des pieds. 

Avant d'être utilisé, le masque doit être consacré par les dignitaires initiés pour le rendre apte à intégrer l'esprit de la divinité qu'il est censé représenter et acquérir par ce fait la valeur sacrée. Ainsi chez les Bamoun du Cameroun, il existe des masques appelés Tu Ngunga représentant le singe que l'on sculpte en brousse à l'abri de tout regard. Lorsque le sculpteur a terminé son travail, il porte le masque enveloppé, jusqu'à la maison où il n'est vu que par les initiés et seulement après leur consécration. Si, avant la consécration, il est vu par quelqu'un d'autre (même par un initié) que le sculpteur, il est considéré comme souillé et par conséquent inapte à représenter la divinité. 

Le masque s'accommode de diverses fonctions. Certains masques sont portés lors des cérémonies publiques auxquelles participent les jeunes robustes et auxquelles assistent les autres membres de la communauté, femmes, vieillards et enfants. Ces cérémonies constituent à la fois un rituel par les chants, les rythmes et les cris et un divertissement qui coïncide avec les activités collectives : rites d'investiture des chefs du village, réjouissances accompagnant le retour d'un membre de la communauté, chasses, récoltes et pêches communes, etc. L'objectif de ces cérémonies n'est pas que purement jouissif même s'il est vrai que les spectateurs manifestent une certaine satisfaction émotionnelle en observant les masques danser. L'existence d'un tel sentiment a pour but de favoriser la cohésion de la communauté. Dans ces catégories, je peux évoquer les masques observés lors de nos fêtes et autres carnavals, où ces éléments de base des fêtes masquées primitives  se retrouvent avec une similitude frappante. 

Il y a des masques exclusivement agricoles, considérés comme le support des forces surnaturelles associées aux pluies, aux germinations, à l'entretien des cultures et aux récoltes. Ils n'ont pas un caractère secret puisqu'il est possible de voir le porteur de masque danser publiquement dans les champs en encourageant les travailleurs. 

Il y a également des masques d'initiation, objets d'interdits rigoureux, placés sous la garde des responsables initiés et conservés quand ils ne dansent pas, à l'abri des regards. Ces masques reçoivent un culte dès leur fabrication et sont même nourris avec le sang des sacrifices d'animaux et avec des offrandes régulières. Ils ne sont portés que par les initiés pendant ou à la fin des cérémonies qui accompagnent les rites de passage, initiation, circoncision ou funérailles des initiés. Les sociétés secrètes qui regroupent soit les hommes, soit les femmes, jamais les deux  utilisent des masques qui sont des témoins et des supports des forces spirituelles du groupe concerné. Ils reçoivent comme ceux d'initiation, des offrandes et le sang des sacrifices. Interdits à la vue des non-initiés, ils sont parfois détruits après usage. 

Enfin, il existe dans les villages, des objets (entre autres des masques) que toute personne même étrangère au groupe peut voir et la place qu'ils occupent correspond à leur destination. C'est le cas des autels. L'autel de famille, installé en face de l'entrée de la maison, est destiné à défendre l'enceinte familiale contre les mauvais esprits. Quant à l'autel du marché, placé à un endroit consacré à cet effet, il est chargé de veiller sur la sécurité des biens et des personnes qui s'y retrouvent les jours de marché. 

Quel est le rôle des masques dans les sociétés traditionnelles ? La réponse à cette question vient d'une scène chez les Bété, une ethnie au sud de la Côte-d'Ivoire. Le masque représentant la tête d'un chimpanzé porté par un jeune de la tribu, se présente juché sur une civière. IL en saute et commence une danse effrénée. Et puis, brutalement il se jette sur l'un de ses camarades de danse, le terrasse et semble l'étriper, lui met un fruit dans la bouche et s'en va dans la forêt, le laissant comme mort. Peu après, l'homme s'éveille et danse avec les autres, une danse triomphale totalement endiablée. En fait, le masque a mimé la scène qui évita autrefois aux ancêtres des hommes du village de se faire massacrer par leurs ennemis. Plongés dans un sommeil hypnotique grâce à l'ingestion du fruit remis par le chimpanzé, ils furent tenus pour morts et épargnés par leurs ennemis. Depuis, ce clan ne tue pas et ne consomme pas le chimpanzé. 

Du fait de la nature orale de la plupart des cultures africaines, l'histoire s'est souvent figée en mythes et le masque leur donne vie en les insérant dans la réalité des vivants. Ainsi, le masque perpétue et réactive régulièrement le récit historique dont il est le reflet. Le masque porté par un danseur dont il cache l'identité, devient la concrétisation d'un esprit, d'une créature exceptionnelle, surnaturelle intervenant dans la vie sociale du groupe. Sous ce couvert, tout est possible. L'esprit auquel le masque fournit un support formel peut se faire le défenseur d'un code moral non écrit évidemment ou le redoutable pouvoir répressif pour traquer, punir ceux qui ne se plient pas aux lois coutumières. Ces lois bien qu'orales et souvent aux allures ludiques, contraignantes, voir même d'un autre temps sont transmises de génération en génération, intégrées à l'inconscient collectif et de ce fait facilement admises. 

Tout en protégeant le danseur du regard ou en organisant la sortie du masque, les acteurs n'expliquent pas leurs actes. Ainsi par le silence, ils expriment leur volonté de ne présenter ni le danseur, ni le masque. Ce qui veut dire que le masque n'est pas un objet de présentation. C'est un objet destiné à signifier, à dire, même dans le silence. De même, lorsque le porteur du masque disparaît dans son costume de fibres ou de feuilles, il ne cherche pas seulement à se déguiser, ni à s'embellir pour épater le public. Il se retranche derrière une image conforme aux exigences du mythe. L'homme masqué ne veut pas se faire passer pour un dieu, ni pour une divinité. C'est le dieu ou la divinité qui le possède, qui agit par lui et qui fait de ce porteur ainsi que les spectateurs, une individualisation. Encore faut-il qu'il y ait de l’émotion. Cette émotion est possible que si le porteur du masque et les spectateurs sont capables de faire abstraction de leur personnalité, de leur propre individualité, c’est-à-dire d'aller au-delà d'eux-mêmes pour pouvoir intégrer le message. Que serait-il de nos initiations par exemple si l'émotion ne présidait pas à nos rituels ? On aurait l'impression d'assister à une mascarade, à un jeu de rôle. Nous avons tous lu  la description d'une cérémonie d'initiation avant d'être initié et je suis persuadé que nous l'avons vécue autrement le jour venu. Cette différence est due au sens donné à cette cérémonie par un processus initiatique. C'est pourquoi le masque doit toujours être perçu en mouvement comme un élément complexe où interviennent les chants, la danse qui d'ailleurs est elle-même significative et susceptible d'être interprétée comme n'importe quel signe symbolique, autrement dit à différents niveaux selon le degré de connaissance et d'intérêt des spectateurs. Donc c'est cette rétention du savoir (réservé aux seuls initiés) qui confère au masque son importance et sa dimension sociale. 

Si les divinités trouvent une représentation qui s'exprime dans un matériau solide, c'est parce que chaque élément constitue un signe doué d'un sens précis et consacré et parce que l'ensemble de ces signes constitue un message, le message de la vie, susceptible d'être lu, interprété et approfondi en fonction d'un système mythique auquel il se réfère et du niveau d'initiation du spectateur. Je dirai même pour paraphraser Léopold Sédar Senghor que tout est signe et sens donc tout est symbole pour le négro-africain. Le bout de bois, l'animal dans la forêt, l'eau des cours d'eau, les nuages, tous ces éléments qui constituent l'environnement de l'homme sont des manifestations précises de grands principes de la vie capables d'individualiser ce qui est général. Mais ces symboles, porteurs de réponses à toutes les grandes questions humaines, n'ont de valeur que dans la mesure où ils sont représentés sans contradiction au carrefour de l'imagination (propre à chacun) et de la tradition (paramètre constant), sans contradiction c’est-à-dire l'une enrichissant l'autre et vice versa. 

Nous retrouvons là la définition du symbole que la sœur C... nous a rappelée. Que chaque élément de notre rituel, chaque outil de nos travaux a une fonction sémantique précise excluant toutefois une rigidité de l'esprit mais intégrant un concept bien défini. C'est pourquoi si le masque a une fonction sémantique, il est analogue à un langage et l'on a besoin de connaître le code pour décrypter, comprendre le message. Seuls les initiés connaissent le code. C'est pourquoi aussi le profane n'a rien à dire et ne peut rien dire d'un masque quel qu'il soit. Il se contentera de l'aspect esthétique de l'œuvre et de l'émotion que cela lui procure. 

Le masque est un art de la matérialisation (matérialisation des mythes), un art de la signification et il apparaît souvent comme une combinaison reconstruite à partir de plusieurs signes pris dans un ou plusieurs domaines de référence qui recréent une réalité à l'aide d'un vocabulaire ayant un sens particulier, un sens intellectuel et dont les éléments ne sont pas toujours imités du réel. Ce qui complique encore plus le message. C'est l'exemple d'un masque que l'on retrouve dans la zone limitée par le Nord Congo et le sud Tchad. Ce masque représente un visage mi-homme (par la barbe) et mi-femme par la finesse des traits, symbole de la bivalence originel, surmonté d'un oiseau, messager du ciel, intermédiaire entre Dieu et les hommes, symbole de l'éternité de l'âme. Sur les côtés du visage, sont représentés des serpents enroulés en nœuds semblables à ceux de notre temple (les lacs d’amour) ; le serpent par ses mues successives représente le cheminement de l'homme qui doit passer par des étapes d'initiation pour atteindre sa plénitude et prétendre à la vie éternelle. Parfois le serpent est remplacé par les poissons, symbole de liberté et de modération. Sur la base du menton, sont représentés une ou deux figurines représentant les ancêtres symbolisant l'esprit des ancêtres parmi les vivants. Le côté féminin du masque pourrait aussi signifier le danger qui empêcherait tout individu à atteindre l'état oiseau, un peu à l'exemple du couple originel biblique. 

Mais je suis persuadé que l'interprétation globale de ce masque est plus compliquée plus subtile et plus ésotérique que ce que j'ai tenté d'expliquer. On pourrait opposer un autre constat selon lequel ces éléments constituent la réalité même rendant le message au premier abord facilement accessible. Prenons l'exemple d'un masque de fécondité qui chez les Kongo au sud du Congo, clôt la cérémonie de la sortie des masques, mime le rapport sexuel (ce qui est un élément imité du réel) comme pour inviter les spectateurs à faire de même. En effet, la sortie de ce masque autorise chaque membre du village, en âge de procréer, à rencontrer qui il désire. Le refus d'accomplir l'acte sexuel (pris ici au sens large du terme c’est-à-dire une sexualité socialisée obéissant à des règles bien définies) est considéré comme un interdit. La raison est simple : pendant son séjour sur terre, l'individu doit procréer afin de pouvoir ultérieurement revenir sur terre mais aussi pour que les descendants, ayant honoré le défunt devenu ancêtre, celui-ci puisse leur accorder aide et assistance. C'est comme cela que se déroule le parcours des solidarités et des devoirs des uns envers les autres, des vivants à l'égard de leurs morts. Le célibat est donc considéré comme un désordre. 

C'est pourquoi l'information ethnographique peut enrichir la compréhension de l'œuvre. Reste à savoir comment ce processus de transmission de la tradition arrive à échapper aux équivoques de la pluralité des significations. Si un symbole ne renvoie pas souvent à un seul signifié, le masque ou l'art primitif en général ou l'art premier selon la dénomination chère à notre président de la république, n'entretient-il pas volontairement un flou à la fois spirituel et philosophique pour garantir la pérennité de la structure sociale ? C'est peut-être là la vraie signification du symbolisme des masques. 

Et qu'en est-il à notre époque ? A coup sûr le masque s'est transformé, s'est amélioré mais le masque existe encore parce que le bon sens populaire sait aussi se servir des masques. Si l'homme pense et sait qu'il pense, il faut bien souvent que ses sentiments n'apparaissent pas dans ces rapports avec les autres. Il doit cacher ce qu'il ressent en adoptant une attitude trompeuse et le masque devient théâtral. Ne dit-on pas souvent que la vie est une comédie ? Le médecin est souvent amené à cacher ce qu'il ressent devant un malade et ce sentiment se renforce souvent avec l'expérience. Il reste souvent impassible devant des cas désespérés. Cet aspect sans émotion du médecin cache parfois un désarroi interne réprimé par le masque professionnel et le malade ne doit surtout pas se rendre compte. Ce masque professionnel, au contraire du masque matériel ou représentatif doit laisser paraître une certaine indifférence, ce qui exclut totalement l'émotion apparente pour l'acteur, mais peut-être pas pour la famille, les proches du malade c’est-à-dire les spectateurs. 

Dans notre réalité maçonnique, l'aspect théâtral s'y retrouve aussi. Nous nous présentons dans les parvis avec parfois nos masques profanes qui tiennent de la politesse du bon sens. Il y des Pierre par-ci des Luc par-là et puis soudain trois coups du maître de cérémonie, et chacun à tour de rôle nous rentrons dans la scène. Dès l'ouverture des travaux, nous mettons nos masques de maçon. Nous avons laissé nos métaux à la porte du temple. Il n'y a plus d'Alain, c'est le vénérable, plus de Simone c'est la sœur Orateur. Pendant un moment, les mots prononcés, les gestes exécutés comme la mise à l'ordre, même la formule consacrée pour prendre la parole ne vont plus être de simples mots et nous passons du profane au sacré grâce à la représentation symbolique que nous nous faisons au fond de nous. Par quel miracle cela est-il possible si ce n'est celui de la métamorphose comme le porteur de masque africain ! Nous chassons le naturel, nous chassons le profane comme le porteur de masque parce que nous avons le code, parce que nous nous efforçons à apprendre le langage. Nos rites, nos outils, notre manière de travailler ressembleraient parfois à s'y méprendre à une cérémonie au fin fond de la forêt équatoriale. 

Mais à la différence du masque représentatif, à la différence du masque moderne, le masque maçonnique doit se nourrir de la sincérité, sincérité des sentiments pour assurer la cohésion de la loge, de l'ordre et pourquoi pas de l'humanité ; la sincérité des actes par le travail personnel sur la pierre brute et par le rayonnement que cela peut avoir autour de nous. Continuons à l'extérieur l'œuvre commencée à l'intérieur parce que nous savons que notre rituel n'est qu'une représentation symbolique et que la réalité est la fraternité agissante, celle de prendre l'autre par la main. Et ce n'est pas là le plus mince enseignement dont nous puissions être redevables à la tradition maçonnique. 

 

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